De l’importance de la forme juridique de votre entreprise
Être en Raison Individuelle ou en SA ou en Sarl, c’est loin d’être indifférent
La forme juridique de votre entreprise a une importance absolument capitale sur les modalités du transfert de propriété et le prix de cession.
La Raison Individuelle (RI)
L’entreprise individuelle est une entreprise exploitée sous une raison individuelle par une personne physique en son propre nom et sans restriction de responsabilité. Les droits et obligations contractées au nom de l’entreprise lient l’entrepreneur. Le patrimoine de l’entrepreneur et de l’entreprise individuelle forment un tout sans aucune distinction (R. Ruedin – Droits des sociétés). Cette indistinction est un véritable problème dans le cadre de la cession. Qu’est-ce qui appartient vraiment à l’entreprise ? Qu’est-ce qui est vraiment cédé ? Le prix du matériel, des outils, des machines, du stock, des véhicules etc est assez facile à déterminer au moment de l’inventaire. Il est beaucoup plus difficile de déterminer le prix du portefeuille clients et des valeurs incorporelles (notoriété, marque etc.). Le critère déterminant est la capacité de l’entreprise à générer un bénéfice net qui en fait est le revenu brut de l’entrepreneur .
Prenons un exemple:
L’entreprise réalise un CA de 500’000.- Toutes les charges se montent à 400’000.- (achats de marchandises, frais de fonctionnement, frais de personnel etc.). Le bénéfice net de l’entreprise est de 100’000.- L’indépendant aura pour le fisc un revenu brut AVS de 100’000.- même s’il n’a prélevé que 60’000.- pour ses besoins propres. Les 40’000.- de solde seront considérés comme augmentation de fortune de l’entreprise, donc de l’entrepreneur. Quel sera alors le critère déterminant pour fixer la valeur de l’entreprise ? Les 100’000.- ou les 40’000.- ? Dans le cadre d’une SA ou d’une Sarl, le montant prix en compte serait les 40’000.- Si l’entrepreneur, et c’est généralement le cas, prélève tout le bénéfice net, ces 40’000.- se réduisent à une peau de chagrin voire à rien. La valeur absolue de l’entreprise se réduit alors au montant de l’inventaire. C’est désagréable, mais c’est ainsi. Le fait que l’entreprise prenne en charge certains frais du patron (véhicule utilisé dans le privé et le professionnel, frais de représentation etc.) rend les choses encore plus opaque et entrave la négociation. Il convient alors de retraiter le bilan et le compte d’exploitation pour ramener ces frais dans le bénéfice net.
Autre problème de taille:
A la cession, le repreneur ne peut pas reprendre les actifs ni les passifs. Pour les passifs (les factures des fournisseurs par exemple), il ne verra aucun inconvénient. Par contre, les factures envoyées aux clients seront encaissées par le vendeur en plus du prix de cession. Cela explique que pour la même affaire, le fait que l’entreprise soit en Raison Individuelle provoque une sous-évaluation dans le prix de cession de l’ordre de 20 à 50% par rapport à une société de capitaux (SA ou Sarl). Enfin, les conséquences fiscales de la cession sont particulièrement redoutables pour le vendeur. Voir la fiche : « Le traitement fiscal de l’opération de cession »
Notre conseil:
Muter rapidement d’une Raison Individuelle à une Sarl ou une SA. Cela entraînera des frais fiduciaires et de constitution non négligeables et un délai de préparation plus long pour la mise sur le marché.
Les sociétés de capitaux (Sarl et SA)
Les sociétés de capitaux sont des personnes morales indépendantes des associés. Elles ont leur propres droits et obligations et répondent de leur dettes sur leur fortune sociale. Elles remplissent leur propre déclaration fiscale et sont soumises à des normes comptables nettement plus exigeantes que pour une Raison Individuelle. Lire un bilan et un compte d’exploitation d’une société de capitaux est plus éclairant pour un futur repreneur. Le bénéfice net est déterminé après que le chef d’entreprise ait été rémunéré puisque dans cette situation il est un salarié comme les autres. Le bénéfice net est alors un critère véritablement pertinent pour déterminer le prix de cession. Mais voilà, généralement tout est entrepris depuis des années pour que ce bénéfice net soit réduit au minimum puisque non seulement la société est imposable sur ce bénéfice, mais si les associés le sortent pour se rémunérer, il sera imposé comme un revenu dans leur déclaration fiscale personnelle. On parle de double imposition économique. Cette optimisation fiscale entraîne donc une sous-évaluation du prix de cession. Il convient alors de retraiter le bilan et le compte d’exploitation pour valoriser l’entreprise. Contrairement à la Raison Individuelle, les actifs et passifs de la société de capitaux passent au repreneur. En d’autres termes, l’acheteur remplace le vendeur dans le capital social et l’organe de direction. Cela signifie que les factures de fournisseurs, de TVA, de charges sociales etc. restent dues par la société, mais aussi que les factures émises seront payées à la société. Il convient donc de boucler les comptes avec précision pour la date de cession et s’entourer de précautions allant jusqu’à ouvrir un compte bloqué sur au moins un an pour garantir un passif éventuel. Ce montant proviendra d’une partie du prix de cession et est donc alimenté par le vendeur. Une convention avec un clause stipulant que la société n’a pas de passifs ou que les actifs et passifs ne passent pas à l’acheteur peut le rassurer, mais est non opposable aux créanciers de la société. La société devra payer et ensuite se retourner contre le vendeur en dommages et intérêts. Inutile de dire que cette procédure prend du temps, coûte de l’argent sans garantie de récupérer la somme litigieuse.
Notre conseil:
Si vous vendez votre entreprise sous la forme juridique d’une société de capitaux, attendez-vous à ce que le repreneur exige des garanties. Serez-vous en situation de les atténuer ? Négociez-les avec beaucoup d’attention pour éviter des abus par le repreneur allant jusqu’à invalider la vente. Soyez particulièrement ferme sur les modalités de paiement et imposez des clauses de sauvegarde et de protection en cas de défaillance du repreneur.
Voir la fiche : « Le traitement fiscal de l’opération de cession »